Est-ce que c'est difficile de trouver une alternance ?

#alternance# emploi

On me pose souvent cette question ces derniers temps. Y répondre est impossible avec un oui ou un non. Pourquoi ?


Quand j'ai commencé l'école, la question de l'alternance s'est posée très rapidement dans l'ensemble de la promotion: est-ce que ce que nous apprenions nous permettrait de trouver une alternance? Est-ce que cette recherche allait être compliquée ? Quand est-ce qu'il faut commencer à chercher ? etc.

Mon expérience : le parcours est challengeant, mais il est faisable.

Personnellement, ces questions me perturbaient dans mon apprentissage, dans un premier temps, j'ai donc fait le choix d'apprendre à coder pour apprendre, sans penser à la recherche d'alternance. Ça impliquait :

  • de me tourner vers des domaines, des langages, etc. qui me plaisaient et que j'aimais et non vers des domaines que je considérais comme plus recherchés sur le marché de l'emploi (de toute façon, tout le monde avait un avis différent sur la question).
  • de ne pas penser au réseau, à LinkedIn, aux entreprises qui me plaisaient, etc.
  • de ne pas envoyer de CV ou solliciter des gens.
  • de ne pas faire de simulations d'entretiens, de tests techniques, etc.

Ce premier temps a duré environ 4 mois (octobre-février), jusqu'aux premiers entretiens blancs organisés par mon école. J'ai à ce moment-là ajusté un élément : j'ai refait mon CV et réactivé mon LinkedIn. Du côté tech, la seule mise à jour a été de préparer des présentations de mes projets et de cleaner mon github.

A l'issue de ces entretiens, j'ai lancé ma première candidature spontanée le 8 mars.

Pour celles et ceux qui aiment les chiffres en voici (avec en prime un donut zommable, parce que j'amuse beaucoup sur D3 ces temps) :

  • j'ai lancé 13 candidatures :
  • dont 6 en réponses à des annonces (Annonces)
  • dont 2 aprés avoir été contactées par des entreprises (Entreprises)
  • dont 3 spontanées (Spontanées)
  • dont 2 dans le cadre de la jobfair organisée par mon école (Jobfair)

Sur ces 13 candidatures:

  • 3 ne m'ont jamais répondu (Pas de réponse)
  • 3 m'ont opposé un refus direct, sans entretien (Refus direct)
  • 0 m'ont opposé un refus après l'entretien RH
  • 2 m'ont opposé un refus après le ou les entretiens techniques (Refus post tech)
  • 3 m'ont fait une offre (Offre)
  • 2 on ne saura jamais car j'ai arrêté les process en cours pour accepter une offre (IDK).

Répartition des candidatures

Graph. 1 : répartition des candidatures par types et résultats (cliquez sur le graphique pour zoomer).

Franchement, ces chiffres sont cool. Si on se base sur ces chiffres, trouver une alternance dans la tech en 2023, ca n'a pas été vraiment compliqué. Je viens en plus d'un domaine avec des statistiques de l'ordre de 300 candidatures pour 1 poste, avec des gens qui cherchent en moyenne un an pour finir par trouver des CDD au SMIC. Donc franchement, on pourrait s'arrêter là et se dire que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Mais.

Est-ce que c'est dur alors ?

Mais je pense que si je réponds "non, ce n'est pas très difficile", ce serait un mensonge, car il y a à mon sens plusieurs choses à anticiper, plusieurs conditions à remplir et une bonne partie de chance.

Algorithmie et compagnie

Je n'ai effectivement pas creusé quelles étaient les compétences recherchée ni vraiment entraîné des skills spécifiques aux entretiens. Cependant, pendant mes 4 mois consacrés uniquement à l'apprentissage, je me suis beaucoup intéressée à l'algorithmie et j'ai fait énormément d'exercices, type des kata en js. Tout simplement, car c'était facile à faire seule, que c'était ludique et que certains parcours de kata sont très bien construits pour apprendre pas à pas (par exemple, celui-ci). Le côté compétition de certaines activités me motivait aussi beaucoup : j'ai fait l'advent of code et des petits challenges proposés ici et là, etc.

Il se trouve que c'est demandé en entretien: je suis tombée sur des exercices que j'avais déjà rencontrés seule de mon côté (type "tiens un tableau blanc et un feutre, montre-moi comment tu ferais une fonction qui permet de trouver si un mot est un palindrome").

Developpeur présentant son troisième design system de Netflix sur un post-it.
en essayant de ne pas devenir fou.

Sans avoir d'enquête approfondie, je pense que, bien que ce ne soit pas toujours demandé ni forcément utile, on réduit fortement son taux de passage d'entretiens techniques en n'ayant pas pratiqué d'algorithmie pendant sa formation.

Théorie et compagnie

J'ai la chance d'être une meuf plutôt scolaire et d'avoir toujours eu des facilités pour comprendre de la théorie (ne m'enviez pas, en contrepartie j'ai une mémoire de poisson rouge). Il se trouve que pendant des entretiens techniques, on te demande rarement de citer par coeur le principe de Liskov, donc la mémoire de poisson rouge n'est pas un handicap. Par contre, on peut te demander de l'expliquer ou d'expliquer ce qu'est c'est l'héritage en POO ou à quoi sert une API. Si on est peu théorique et qu'on ne trouve pas ses mots pour expliquer un concept (et ca peut arriver alors même qu'on l'a compris et utilisé), on réduit aussi sûrement les chances de passer aux steps suivantes.

L'endurance

Alors les chiffres cités ci-dessus sont peut-être sympa ou en tout cas pas dramatiques, mais ils reflètent peu ce qui se passe une fois que les process de recrutement sont engagés. Le classico du recrutement en alternance, c'est un entretien RH et un entretien technique, avec un entretien "culturefit" quelque part (souvent à la fin, quand y a plus vraiment d'enjeux) et/ou un exercice technique quelque part aussi entre les deux. Sur 7 process enclenchés, j'avais passé 12 entretiens quand j'ai accepté mon offre et fait 4 tests techniques (dont 2 de plus de 3h). Sur ces 7 process enclenchés, tous ont été différents: parfois, il y a un questionnaire avant même de rencontrer un humain, les outils déployés par les recruteurs pour t'interviewer sont parfois incroyablement développés (coucou le questionnaire technique où tu dois t'autofilmer avec un temps limite pour chaque question) et donc déroutants, il y a autant de types d'exercices techniques qu'il y a de grenouilles dans le monde... Parfois on dirait que tu postules pour la NASA : sur un process, j'ai eu quatre entretiens (3 techniques et un RH) et j'ai eu l'impression d'à peine avoir commencé les choses sérieuses. Parfois, même souvent, on va tester ta gestion du stress, tes nerfs, ta réactivité, ta rapidité... bref, des trucs pas forcément reposants. C'est en général normal, mais c'est usant : ça fatigue, les refus entament ta confiance en toi, du coup tu stresses encore plus à l'entretien suivant et c'est foutu. Bref, avoir de l'endurance quand on cherche une alternance dans la tech aujourd'hui c'est complètement nécessaire.

Heureusement, il y a plein d'escales sur le chemin
Mais à la fin, tu auras une banane.

Les compétences passées à la rescousse

La reconversion a ses désavantages, mais dans mon cas j'ai l'avantage d'avoir fait un parcours académique avant ma reconversion. Du coup, sur mon CV, il y a un dplôme de l'enseignement supérieur et des compétences liées (genre l'anglais). Même si les entreprises sont de plus en plus ouvertes sur le recrutement de profils atypiques et qu'elles sont ouvertes à engager des gens qui ne sortent pas d'école d'ingé, je sais qu'avoir un diplôme de 3e cycle aide.

En plus de ces compétences, j'ai eu une expérience professionnelle plutôt riche avant d'apprendre à coder: j'ai déjà fait des processus d'embauche (écrit des CV, des lettres de motivation), mais j'ai moi-même aussi déjà fait passer des entretiens, managé des gens, etc. Je sais ce qu'on attend sur la papier d'un.e bon.ne employé.e. Par ailleurs, j'aime raconter et expliquer ce que je fais (j'ai enseigné pour ces raisons pendant longtemps), je n'ai pas de problèmes pour communiquer, m'organiser, me structurer. C'est donc assez spontanément que j'ai ouvert mon blog, documenté mon parcours ; c'est assez naturellement que j'ai posté sur LinkedIn, agrandi mon réseau ; c'est assez facilement que j'ai passé les entretiens RH, expliqué pourquoi j'aimais coder et où je me voyais dans 4 ans.

Je suis aussi très tenace, voire un brin chiante, donc je relance. J'ai contacté des gens directement, j'ai écrit à des CTO sur LinkedIn en toute décontraction, j'ai relancé une fois, deux fois, trois fois... jusqu'à ce qu'on me réponde. Tout ça, ça m'a ouvert les premières portes des entretiens RH, mais c'est un privilège et il faut en avoir conscience.

Des privilèges ?

En parlant de privilège, déso pas déso, je vais mettre les pieds dans le plat : certes je suis une femme et, pour certains réacs, je pars avec un handicap (déjà entendu en entretien que "je m'en sortais plutôt bien pour une femme"...), mais en contrepartie je possède quelque chose qui m'a sûrement servi pour réussir ces processus: je suis blanche. Franchement, on en parle peu dans la tech, mais avouons-le : dans certaines boites, il y a des profils et des noms de famille pour lesquels c'est plus difficile que pour d'autres de décrocher des postes. Soyons-en conscient.e.s.

De la chance

Peu avant que je commence à chercher, une encadrante de mon école m'a dit quelque chose qui m'a marquée et qui m'a accompagnée pendant toute la recherche :

la recherche d'alternance, tu verras et tu dois te préparer : c'est un moment extrêmement injuste. Parfois, il n'y a aucune autre explication que la chance. Des gens doués galèrent pendant des mois, des gens qui disaient ne pas arriver à se vendre trouvent au premier entretien...

Parfois, il ne faut pas chercher à comprendre, car il n'y a pas d'autres explications que le hasard, la chance, les coincidences. On ne peut pas l'entrainer, mais il faut se préparer à ce que ce paramètre entre en jeu à un moment ou un autre.

Alors en conclusion, oui ou non ?

Fidèle à mon profil de chercheuse, je vais répondre comme j'ai conclu ma thèse : c'est compliqué.

Non, trouver une alternance ce n'est pas difficile par rapport à d'autres secteurs pro et si tu maitrises un peu les codes de l'emploi en France, que tu sais faire un CV, résauter et que tu as potassé tes basiques, entrainé tes katas et si tu as quelques privilèges et de la chance. Du coup, ca fait quand même quelques éléments sur lesquels ca peut être difficile d'avoir prise (parfois, on peut faire ce qu'on peut, on est juste pas fait pour expliquer le principe de Liskov, mais par contre qu'est-ce qu'on est fort pour refactorer...).

Oui, c'est difficile si tu n'as pas forcément la foi d'aller harceler les gens (franchement, je comprends), que tu perds tes moyens dès qu'on te demande ta principale qualité et que ton karma est un peu en berne ces derniers temps (tu tombes que sur des recruteurs à la ramasse et des boites qui veulent t'exploiter). Mon expérience a été plutôt positive, même si j'ai trouvé la période de passage des entretiens vraiment challengeante.

Mais j'ai aussi conscience d'être privilégiée sur beaucoup de choses donc au final, tout ça est à mettre en perspective. Et si tu cherches actuellement depuis bien trop longtemps, voici un petit encouragement de marathonien :

Ce n'est pas parce qu'on va plus vite qu'on va plus loin
Ca te fait une belle jambe, hein ?